Las Yaguaretés Sevens : les autres grands fauves d’Argentine
Par Claire Thomas
Il y a énormément de pression, en particulier dans le format du rugby à sept, pour gagner – du temps de jeu, des matchs, des tournois - et pour se montrer aussi dangereux que les prédateurs cousus dans le tissu de ces maillots sacrés.
Les joueurs de l'Argentine sont, bien sûr, les Pumas Sevens. Les hommes de Santiago Gómez Cora n'ont plus besoin d'être présentés : leur capacité à éblouir leur a permis de devenir les meilleurs du monde cette année, et leur emblème, fait de dents et de muscles, n'a jamais été aussi approprié.
Les joueuses, à partir de 2021, ont été représentées par un autre grand félin, peut-être encore plus redoutable. Le jaguar est le plus grand félin des Amériques, le troisième plus grand sur Terre, et c'était donc un message à envoyer lorsque la Fédération argentine de rugby (UAR) a déclaré que Las Yaguaretés incarneraient « l'esprit et l'attitude » de ces créatures athlétiques et redoutables.
Deux objectifs
Le changement de marque a eu lieu juste après Tokyo 2020 - la deuxième fois que le rugby à sept figurait au programme des Jeux olympiques, et la deuxième fois que les Argentines n'y participaient pas.
Elles avaient échoué face à la Russie en quart de finale du tournoi de Qualification Final à Dublin en 2016, puis avaient franchi une étape supplémentaire avant que Hongkong China ne les écarte du repêchage en 2021.
Avec une seule place en jeu au World Rugby Sevens Repechage le mois prochain, et une Chine conquérante dans l’équation à Monaco, se qualifier pour Paris nécessitera un effort herculéen.
Mais il s'agit sans aucun doute de leur meilleure chance à ce jour, et un billet pour la Ville Lumière n'est pas le seul enjeu des prochaines semaines pour les femmes en « celeste y blanca ».
Ce week-end, elles seront à Cracovie, où les 12 équipes féminines du World Rugby HSBC Sevens Challenger 2024 se rendront en Pologne avec quatre places en jeu pour les play-offs du HSBC SVNS à Madrid.
Le but pour toutes celles qui se bousculent pour obtenir une place est simple : terminer dans les quatre premiers, se regrouper et récupérer, lancer tout ce que l'on a lors de la finale de la saison au stade Cívitas Metropolitano entre le 31 mai et le 2 juin, et prier pour que cela suffise pour obtenir le statut d'équipe titulaire l'année prochaine.
Las Yaguaretés Sevens sont bien placées : il leur suffit d'atteindre les demi-finales à Cracovie pour garantir leur présence à Madrid, et elles sont toujours dans le sillage de la Chine invaincue de Lu Zhuan, qui occupe la tête du classement.
Elles n'ont perdu que deux matchs depuis le début de la campagne - contre le Kenya en demi-finale à Dubaï et contre la Chine en finale à Montevideo - et ont prouvé tout au long de la saison qu’elles étaient une puissance montante, dès le mois d'octobre, lorsqu’elles ont explosé les pièges tendus pour ouvrir leur campagne avec fracas.
Succès régionaux
Depuis l'édition inaugurale du tournoi en 2004, le Brésil a dominé - outrageusement dominé - le Sudamérica Rugby Women’s Sevens Championship. Il a participé à tous les tournois sauf un et les a tous remportés.
Les Yaras avaient également battu l'Argentine 17-5 en juin lors du tournoi régional de qualification olympique et se préparaient à une saison au HSBC SVNS - lorsqu'à Asuncion, au Paraguay, les joueuses en bleu et blanc ont réalisé les deux meilleurs jours de rugby de l'existence de leur programme.
Six matchs gagnés, 34 essais marqués, seulement trois encaissés et un mépris total envers deux décennies de victoires brésiliennes.
Avec une victoire 20-12, le titre était à elles : la réalisation des rêves de cette « génération de filles », comme l'a déclaré avec émotion la capitaine María Paula Pedrozo aux journalistes, et un avertissement lancé dans le monde du rugby féminin. Las Yaguaretés étaient bel et bien invitées à la fête.
Alors que le téléscripteur affichait ce résultat, l'entraîneur Nahuel García a parlé du caractère et de la détermination de son staff, qui a résisté à un retour en force des championnes en titre en deuxième mi-temps, tout en soulignant que ce n'était que le début d'une période qu'il espère définitive pour le sport argentin.
« Ce sera une année très intense en termes d'engagement physique, de niveau technique et de vitesse de jeu. Nous devrons travailler sans relâche », a-t-il prévenu.
C’est à Buenos Aires qu’elles s’entraînent, à la « Casa Pumas », où se trouvent des installations de classe mondiale, avec un sentiment collectif que « notre heure est venue ».
Si gagner est une habitude, et même légèrement contagieux, alors où mieux se rassembler pour des camps que le siège des nouveaux champions de la saison du HSBC SVNS 2024 masculin ?
Los Pumas Sevens et Las Yaguaretés Sevens partagent désormais régulièrement leurs infrastructures, leurs connaissances et leurs ambitions, avec la preuve tangible - qui brille, là, sur un nouveau socle dans l'armoire à trophées - que les hiérarchies mondiales sont là pour être bousculées.
Elles n'ont certainement pas ménagé leurs efforts, alors que cinq semaines intenses s'annoncent. Cracovie, Madrid et Monaco se succèdent à un rythme effréné, avec des enjeux colossaux qui s'ajoutent aux standards élevés de Nahuel García.
Bien que ses joueuses aient atteint la finale en Uruguay, le sélectionneur n'est pas satisfait de leur précision en attaque et s'inquiète de leur fragilité en défense. Le fait qu’elles aient effectué le plus grand nombre de plaquages, qu’elles aient terminé en tête de leur poule avec la meilleure différence de points du tournoi et qu’elles n'aient rien lâché jusqu'à leur confrontation avec la Chine est révélateur des ambitions qu'il nourrit pour ce groupe.
Il ne prépare pas une équipe de Yaguaretés pour gagner des médailles au Sevens Challenger, mais construit une équipe suffisamment bonne pour s’imposer à Madrid, et éventuellement se qualifier pour les JO.
Transformer l'opportunité en réalité
Mais d'abord,il y aura deux jours intenses au stade municipal Henryk Reyman de Cracovie. L'Ouganda, deux fois demi-finaliste cette saison, sera leur test le plus difficile - sur des jambes fatiguées samedi en fin de journée - mais les Argentines sont les plus en vue de la poule B, après quoi elles ne seront plus qu’à une victoire d'assurer leur place à Madrid.
García et Facundo Salas, l'entraîneur adjoint, ont fait en sorte que le message reste simple : jouer son meilleur rugby et le calendrier de la compétition suivra tout seul.
En l'absence de la capitaine Pedrozo, qui s'est fracturé le péroné à Montevideo, c'est Sofía González, meilleure marqueuse d'essais au Paraguay l'an dernier et qui en compte déjà 16 dans le Challenger, qui mènera l'équipe, avec Marya Genghini en soutien.
La rapide Candela Delgado a fait un retour à temps après une fracture de la clavicule et Josefina Padellaro jouera pour son pays pour la première fois depuis 2021, après avoir passé les dernières saisons en rose avec le Stade français.
Si elles se qualifient pour les Jeux olympiques, elles auront un guide tout trouvé à Paris.
Lorsque l'équipe féminine argentine de rugby à sept est devenue « Las Yaguaretés » en novembre 2021, la capitaine de l'époque, Gimena Mattus, s'est efforcée de souligner le pouvoir de la langue et le fait que l'onction de ce groupe avec son propre nom pourrait voir l'investissement symbolique se refléter rapidement dans des réalisations concrètes.
« Cela renforce la personnalité de l'équipe », explique-t-elle. « Nous travaillons et faisons des sacrifices depuis des années, et c'est un plus pour notre identité ».
L'ardeur, la clarté de l'identité et, récemment, les résultats. L‘équipe vient d'être sacrée championne d'Amérique du Sud et est à deux doigts de disputer le barrage de promotion à Madrid. A l'horizon, une véritable chance de participer à ses premiers Jeux olympiques.
Los Pumas Sevens font l'objet d'une grande attention en ce moment, à juste titre d'ailleurs, mais ce week-end nous rappelle qu'ils ne sont pas les seuls à jouer dans la cour des grands.
Les prochaines semaines seront « très exigeantes », reconnaît Nahuel García. « Mais cette équipe sait qu'elle a les outils pour parcourir ce chemin et, avec beaucoup de travail, transformer l'opportunité en réalité. »
Assistez au sacre des champions du HSBC SVNS à Madrid, du 31 mai au 2 juin. Billets à partir de 10 € en vente ici.