« La performance, c’est du long terme, pas de la magie »
Giselle Mather est une star du coaching. Elle a remporté la Coupe du Monde et est la première femme à avoir décroché le diplôme de niveau 4 de la RFU, ce qui lui a permis d’entraîner les Wasps, les London Irish et les Trailfinders.
C’est sous ses ordres qu’ont percé des joueuses comme Maud Muir, Ellie Kildunne ou encore Abby Dow sous le maillot des Red Roses – les trois ayant été nommées parmi le XV de l’année World Rugby. Avec elle, l’équipe féminine des Trailfinders a réalisé une première saison impressionnante en Women’s Premeirship.
Pour autant, elle ne se considère pas comme une star. L’ancienne ouvreuse aux 34 sélections est si modeste qu’on l’a presque forcée à prendre ses nouvelles fonctions à la tête de la sélection féminine à 7.
Une candidature à reculons
« Certaines personnes m’avaient parlé de ce poste mais, en tant que femme, je pensais que mon CV n’était pas fait pour le 7. Je me disais : ‘Oui, j’ai de l’expérience, mais je ne connais rien au 7, donc je ne vais pas candidater.’ »
C’est donc la fédération, séduite par son pédigrée, qui l’a appelée, même si la liste de candidats était fournie. Elle leur a dit la même chose, à savoir qu’elle n’avait pas assez accompli dans le monde du 7, mais ils l’ont poussée à candidater quand même, juste « pour voir ce que ça donnerait. »
« C’est ce que j’ai fait… et j’ai été prise ! »
Mather a toujours aimé le 7. « C’est très technique, tu ne peux pas te cacher. Tu es obligée de savoir plaquer, d’avoir une bonne passe des deux côtés, et d’avoir une bonne condition physique. Et puis… C’est vraiment fun. »
Pour autant, un défi de taille l’attend. Elle doit revigorer une sélection qui a souffert l’année dernière, navigant entre la 9e et la 12e place du classement au fil de la saison et dont les deux demi-finales olympiques de rang ne sont qu’un lointain souvenir.
« Le fait que j’arrive avec un regard neuf aide beaucoup. Je vais questionner des choses que les personnes qui sont dans le circuit depuis longtemps ne remarquent plus. »
Du Mather dans le texte
Mather apporte donc sa propre patte. Sa stratégie offensive compte parmi les plus réputées et les plus létales de la planète. On risque de voir pas mal d’actions dérivées du 15 sur le terrain.
Elle ne manque pas, non plus, de saluer ses collègues, comme Will Broderick. « Je n’en serais pas là sans lui. Il fait un travail exceptionnel. » Pourtant, ils sont différents dans bien des domaines : Broderick est un geek du 7 et un passionné de la défense, tandis que Mather est plus scolaire dans son approche et axée sur la puissance offensive.
Elle est également accompagnée de Sean Lamont, qui compte plus de 100 sélections avec l’Écosse à XV, Ciaran Beattie, désormais directeur du rugby, et John Swain, kinésithérapeute.
Apprentissage et patience
Tout ce qu’elle fait est différent. Tout. Du placement du ballon aux lancements de jeu.
« Je navigue un peu à vue mais c’est un apprentissage permanent, c’est fantastique. J’ai mes propres points forts. Je fais en sorte que mes collègues subliment les leurs.
« On fait tout pour identifier les forces des joueuses et leur donner la confiance nécessaire pour qu’elles s’appuient dessus.
« Il faudra du temps. La performance, c’est du long terme, pas de la magie. On n’agite pas une baguette en attendant que tout le monde soit en phase. »
Mais les premières récoltes sont encourageantes. Les Britanniques ont été invaincues à Elche, en octobre et ont progressé au fil des matchs, avant de disputer neuf matchs « amusants et instructifs » pendant deux jours contre la France et l’Irlande, à Gibraltar. « Tout le monde était cramé à la fin, mais c’était une superbe expérience. »
Et l’intensité promet de monter d’un cran à Dubaï et au Cap, où les poids lourds de la discipline vont s’affronter sous 30°C. Elle l’assure : la Grande-Bretagne ne cherchera pas « le résultat à tout prix » sur ces premières étapes. « Nous ne sommes qu’au début du voyage. Nous devons mélanger un tas d’ingrédients et voir ce que cela donne. »
Enfin la reconnaissance ?
Elle a travaillé avec certaines des meilleures joueuses du monde à XV, comme Meg Jones, Emily Scarratt, Mo Hunt, Holly Aitchison ou encore Alex Matthews, qui ont toutes commencé à 7.
« C’est la technique et le physique qu’elles ont forgé à 7 qui leur a permis d’en arriver là. Le 7 mérite plus de reconnaissance. Les fédérations doivent y travailler plus qu’elles ne le font actuellement.
« Je ne suis pas naïve, je sais que c’est difficile de passer du XV au VII, d’autant qu’il y a une Coupe du Monde qui arrive. Mais ce serait beau de réussir à faire marcher cette passerelle à l’avenir. »