« La Grande-Bretagne peut compter sur sa jeunesse »
Quand World Rugby a fait fusionner l’Angleterre, l’Écosse et le pays de Galles pour créer la sélection de Grande-Bretagne en vue de la saison 2022, les avis étaient partagés. Certains portaient le deuil des sélections fraîchement disparues, pendant que d’autres étaient optimistes, notamment en vue des JO qui venaient faire suite à ceux de Rio et Tokyo. D’autres, enfin, ont trouvé injuste que trois nations puissent allier leurs forces pour aller à la conquête du circuit SVNS.
Pour tout fan de rugby, il est évident que les trois nations peuvent compter sur un incroyable vivier de talent. Pour autant, dans les faits, la réalité est toute autre. Le programme GB7s est très loin d’être à la hauteur des espérances.
Les médaillés d’argent de Rio n’étaient pas présents à Paris car ils ont été battus par l’Afrique du Sud lors du tournoi de repêchage de Monaco. Les personnes qui suivent le SVNS de loin peuvent s’en étonner, mais on sait qu’au fond, la sélection s’est retrouvée contre un adversaire bien plus fort et n’a échoué que de peu alors que tout le monde la donnait largement perdante.
Kaleem Barreto, actuel capitaine blessé, est de l’aventure depuis un moment. Il vit la révolution britannique en son cœur. « Tous les autres pays bossent à plein temps sur le 7, alors que notre système d’entraînement était instable.
« Entre deux étapes du HSBC SVNS, on s’entraînait chez nous, de notre côté, pour rester en forme, ensuite on se réunissait à Largs [le camp d’entraînement en Écosse] pendant trois jours, puis on rentrait chez nous pendant une semaine pour s’entraîner en solo, avant de repartir quelques jours à Largs puis de partir pour le SVNS. »
Vu le repos que devaient prendre les joueurs entre ces séances épuisantes, Barreto estime que les résultats étaient équivalents à ceux de trois séances pleines entre chaque tournoi. Pour autant, Barreto ne se cache pas derrière cette excuse pour justifier la non-qualification.
« Les gens s’attendaient à nous voir briller parce qu’on est la Grande-Bretagne, mais la réalité, c’est qu’on était dos au mur. On a mis tous nos œufs dans le même panier pendant deux ans, en misant tout sur ces JO.
« Ces tournois ‘à la vie, à la mort’ sont complètement différents. On surfait sur une assez bonne vague, après Singapour et Madrid. On s’est un peu fait secouer par la Chine lors du premier match, mais on s’est remis dans le droit chemin et on n’est pas passé loin en finale. C’était horrible. »
Ce qui fait la spécificité et la beauté de notre sport, c’est que les sélections masculines et féminines s’entraînent souvent ensemble. C’est le cas de la Grande-Bretagne.
Barreto avoue avoir « suivi les filles avec un sentiment mitigé, à Paris. J’étais à la fois immensément fier mais aussi un peu jaloux. »
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Mais Paris, c’est du passé. Pour lancer cette nouvelle ère, la sélection s’entraîne désormais sur les terrains d’Hazelwood – centre des London Irish – sous les yeux d’Areté, des spécialistes reconnus de la performance.
Sur le terrain, les changements sont aussi notables. Robbie Ferguson, AJ Davis, Jamie Farndale et Max McFarland ayant pris leur retraite, des nouveaux leaders tentent de s’imposer.
Barreto est blessé pour un moment car il s’est rompu le tendon d’Achille. Tom Emery, vice-capitaine, est également blessé. Ethan Waddleton doit donc prendre de nouvelles responsabilités. « Notre absence, c’est un peu un mal pour un bien », avoue Barreto.
« J’ai l’impression que « Beef » [surnom de Waddleton], après autant d’années sur le circuit, commençait à se demander pourquoi il continuait. Le fait d’être capitaine, ça l’a revigoré. Il montre l’exemple et il était en forme, à Dubaï. »
Et puis il y a Harry Glover, dont Barreto dit qu’il est « presque parfait pour cette équipe. »
« Quand tu as aussi peu de temps ensemble que nous, c’est génial de pouvoir compter sur quelqu’un comme Harry, qui a une grosse confiance en lui. Il insuffle une attitude de gagnant et dégage tellement d’autorité, c’est contagieux, surtout chez les jeunes qui arrivent.
« Certains diront qu’il est arrogant, mais pour moi, c’est exactement ce dont l’équipe a besoin. »
Glover joue un rôle primordial dans la bonne forme de la Grande-Bretagne. C’est un véritable facteur X. Les performances des quatre débutants à Dubaï ont montré que ses qualités sont contagieuses.
Luke Mehson et Sunni Jardine ont inscrit trois essais chacun, tandis que les jeunes Ryan Apps et Tom Burton, qui sont à la fois joueurs internationaux à 7 et étudiants à l’université d’Exeter, ont prouvé qu’ils avaient le niveau.
« On a enfin des joueurs qui carburent à l’aile ! C’est dur à évaluer quand on s’affronte en préparation, mais Luke et Ryan sont de vrais athlètes.
« Ils jouent à un poste où il faut un peu de flair, un peu de magie pour prendre confiance. C’était génial de les voir mettre les cannes et marquer ces essais. Bon, il y aura à redire sur les célébrations, mais c’était cool de les voir kiffer !
« Tom Burton est super jeune. Je ne pense pas qu’il s’attendait à jouer aussi tôt, mais je lui ai dit de s’accrocher et il l’a fait. Il a un gros potentiel, ça promet pour l’avenir.
« Sunni a brillé et certainement surpris quelques personnes. C’est quelqu’un de tranquille, on ne le remarque pas. Sa place dans le groupe n’était pas assurée mais il a fait du bien en sortie de banc. Il a mérité de jouer les gros matchs en tant que titulaire. »
Barreto était « agréablement surpris » de ce qu’il a vu à Dubaï de la part de la sélection britannique. Il est confiant quant à la saison à venir.
« C’est presque bon pour nous que les choses ne se soient pas bien passées le deuxième jour, à Dubaï, parce que ça montre ce que l’on peut atteindre si on fait mieux.
« Au Cap, on peut battre les Fidji et l’Uruguay. On a bien joué contre l’Uruguay la semaine passée, pareil contre les Fidji l’an dernier. Mais bon, les Fidjiens ont montré qu’ils étaient au top. On verra. »
Après avoir manqué les Jeux de Paris, la Grande-Bretagne va devoir travailler dur pour revenir au sommet du SVNS, mais les bases sur lesquelles les Britanniques sont repartis semblent solides.
Il reste désormais à le montrer au Cap.