Wekesa prédit un bel avenir au Kenya, sur le terrain et en dehors
Si le Kenya fait autant sensation cette saison, pour son retour en HSBC SVNS, c’est en grande partie grâce à la puissance de Wekesa, son n°6, qui fonce sans hésiter dans le moindre ruck. Mais, à 24 ans, le jeune joueur brille aussi loin des prés.
Wekesa estime avoir planté environ 1 000 arbres au Kenya jusqu’à aujourd’hui.
Tout a commencé il y a quelques années, lors d’un camp d’entraînement de la sélection nationale sur les terrains d’une école de Nakuru, au nord-ouest de Nairobi, une zone entourée de parcs nationaux. En échangeant avec le personnel de l’école, il s’est intéressé aux moyens permettant de réduire les émissions de CO2 dont il estimait être responsable, lui qui prenait autant l’avion pour jouer sur le circuit à 7.
« En rugby à 7, on voyage tout le temps et l’avion, c’est ce qu’il y a de pire pour les émissions de CO2 », raconte Wekesa.
« On était à St Andrew’s Turi. J’ai demandé au personnel de l’école ce que l’équipe pouvait faire et on m’a dit qu’on pouvait planter et soigner des arbres. Ils nous ont permis d’utiliser leur terrain pour planter une forêt, c’est ce qu’on a fait. C’est là que ça a commencé. »
Cette forêt a été baptisée la ‘Shujaa Forest’ et elle compte environ 300 arbres, la plupart ayant été plantés par la sélection nationale de rugby à 7, le reste par les élèves et le personnel de l’école.
Depuis, Wekesa et ses coéquipiers ont planté des arbres dans près de 20 endroits différents, principalement des écoles où il intervient aussi pour parler de déforestation et de l’importance de ce combat.
« Le Kenya souffre de déforestation. On le voit aux infos mais les gens ne sont pas conscients de l’impact que cela aura dans 20 ou 30 ans. C’est pour ça que je donne des cours pour en parler. »
Wekesa finance lui-même ces campagnes de plantation d’arbres avec ses allocations et son salaire de rugbyman professionnel. En plus de planter des arbres, il se sert de son argent pour mettre fin à l’utilisation de bouteilles en plastique au sein de l’équipe nationale.
« À l’entraînement, on buvait dans des bouteilles de 500 ml. Il y en avait partout après la séance. Je me suis dit qu’il fallait qu’on utilise des bouteilles réutilisables. »
Il a donc acheté des bouteilles métalliques pour équiper les sélections masculine et féminine. Elles portent les mots « Play Green with Kevin Wekesa » (« Jouez vert avec Kevin Wekesa »).
Son sens des bonnes idées et du marketing s’est propagé. Aujourd’hui, la fédération nationale de tennis utilise les mêmes bouteilles dans le but, là encore, de ne plus utiliser de bouteilles en plastique.
Wekesa ne compte pas s’arrêter là : son prochain projet, c’est de présenter des méthodes de transport écologiques à la sélection pour aller à l’entraînement et en revenir. Cette idée lui est venue du fait qu’au Kenya, il n’y a que peu de voitures électriques.
Quand on parle avec Wekesa, on sent toutefois que s’il y a bien une personne capable de matérialiser un si gros projet, c’est lui. Et ce sentiment est partagé par tous les fans de rugby au pays : avec Wekesa, tout est possible.
Cette saison, il l’a aussi prouvé sur le terrain. Si le Kenya n’a pas encore vu les premières places du classement – le Kenya a fini 10e à Dubaï et 7e au Cap – le contenu affiché sur le terrain est prometteur et pourrait permettre aux Kenyans de voir plus haut.
Ils ont battu l’Afrique du Sud à Dubaï avant de s’imposer contre l’Australie et la Grande-Bretagne au Cap.
« On a la sensation que ça finit par prendre. On progresse vraiment dans l’intensité physique. Ces dernières saisons, on n’était pas aussi costauds en défense. Aujourd’hui, on essaie d’être aussi costauds en défense qu’en attaque.
« On prend aussi confiance sur les phases arrêtées. En Challenger (l’an dernier), on n’avait pas cette confiance. Aujourd’hui, on va davantage chercher la mêlée ou la touche. On travaille beaucoup sur ça. »
Le Kenya a participé au Challenger après sa relégation du SVNS en 2023, après 19 ans au plus haut niveau.
Cette relégation a fait mal au rugby kenyan. L’équipe des Shujaa Pride – la sélection masculine de rugby à 7 – était le porte-drapeau de la discipline au pays. Le Kenya avait même été titré à Singapour en 2016.
Mais la sélection est vite remontée en HSBC SVNS. Le côté athlétique et puissant de Wekesa a grandement aidé le Kenya à finir deuxième de Challenger, pour finalement remonter en mai 2024.
Depuis, le Kenya bosse dur pour être au niveau. La première étape, c’était d’être plus rapides, plus affûtés et plus forts. C’est à Chris Brown qu’est revenue cette tâche, lui qui avait déjà travaillé avec le Kenya il y a une dizaine d’années sous Mike Friday, tandis qu’Andrew Amonde, l’ancien capitaine des Shujaa, est passé en charge de la préparation physique.
Amonde était connu pour sa puissance physique. C’est en grande partie grâce à son style que le Kenya a décroché le titre à Singapour en 2016, performance qui n’a jamais été répétée depuis.
« Je crois que j’ai revu cette finale [remportée par le Kenya contre les Fidji 30-7] plus de 20 fois. On nous en parle tous les jours quand on va à l’entraînement, il y a des photos de ce match sur les murs des bureaux à Nairobi. Si on continue, on peut revivre ça un jour. »
Le Kenya peut aujourd’hui compter sur un génie du 7 : Patrick Odong’o. Il a inscrit 10 essais à Dubaï en Challenger, mais avait manqué l’étape de Montevideo car son père était malade. Il était revenu pour l’étape de Munich et avait inscrit quatre autres essais.
Désormais figure majeure du HSBC SVNS, il a marqué sept essais sur les deux premières étapes de la saison. Il s’est aussi illustré en défense. Cette équipe peut aussi compter sur les qualités de joueurs comme Vincent Onyala, Tony Omondi et Brian Tanga.
Le Kenya n’a peut-être pas encore le niveau pour rééditer l’exploit de Singapour 2016, mais l’équipe affiche un potentiel incroyable sur le terrain. En dehors, en revanche, son engagement fait déjà d’elle une véritable championne du monde.