La renaissance du Canada : Piper Logan, l’exemple à suivre d’une équipe new-look

Selon la capitaine canadienne, cela va aller de mieux en mieux pour son équipe, qui progresse et apprend rapidement, alors que le tournoi HSBC SVNS de Vancouver va démarrer.

« Pour être honnête », remarque Piper Logan, « il s'agit en grande partie de courage. »

C'est le jour des médias pour l'équipe canadienne de Sevens, qui prépare l’étape du circuit HSBC SVNS de Vancouver. Les médaillées d’argent des Jeux Olympiques vont donc évoluer à domicile et la jeune femme, 23 ans, toujours chaleureuse, accepte de troquer l'oasis de calme qu'aurait dû être sa pause déjeuner contre cette conversation.

La discussion tourne autour du physique et de l'efficacité avec laquelle ce petit gabarit utilise son 1,65 m.

« Les gens me disent que je ne ressemble pas à une joueuse de rugby, mais cela ne me rend pas moins forte, ni moins intrépide. Cela ne m'empêche pas de me jeter dans la bataille et de réussir. Je l'utilise à mon avantage : les adversaires me sous-estiment... jusqu'à ce que je frappe un grand coup ».

Logique finalement, vu que ces athlètes affichent des rapports poids/puissance parmi les plus impressionnants tous sports confondus. Pour elle, tout a commencé sur les tapis de gymnastique. Une décennie à exécuter des sauts, des pirouettes et de la pyrotechnie aérienne s'est avérée le tremplin parfait pour une adolescente à la recherche de son prochain défi.

« Il y a beaucoup de points communs », confirme Logan. « Tu es en permanence au sol ou en train de tomber, dans des positions bizarres et très inconfortables. Ç’a facilité la transition vers le rugby. Je me suis épanouie là-dedans et j’en suis tombée amoureuse.

« Ce qui me posait problème avec la gym, c’est qu’on recherche la perfection, et donc il faut progresser en permanence. J'étais extrêmement dure avec moi-même. Tandis qu’au rugby, le match parfait n’existe pas. »

Dans le gymnase, elle a toujours recherché la perfection, mais elle a dû apprendre qu’au Sevens, malgré tous les exercices réalisés et tous les matchs joués à l'entraînement, les joueuses doivent apprivoiser le désordre et faire confiance à leur instinct en compétition.

« Ce sont deux mondes à part. Une fois que j’ai compris ça, ç’a débloqué une nouvelle facette de mon jeu. »

Logan a fêté ses 21 ans quinze jours avant de faire ses débuts aux Jeux du Commonwealth 2022 à Birmingham, en Angleterre. « On n’attend pas d’une débutante qu’elle soit immédiatement performante, alors j'ai eu droit aux inévitables erreurs », dit-elle modestement.

En réalité, elle s’est frayé un chemin jusqu'à la l’équipe type du tournoi. « Je me suis beaucoup amusée et ces souvenirs sont gravés dans mon cœur. »

Elle est tout de suite devenue un pilier pour l’équipe menée par Jack Hanratty, sélectionneur de 2022 à 2024.

La reconstruction initiée par le technicien, après les Jeux olympiques de Tokyo retardés d’un an par le Covid-19, a été colossale : 23 joueuses ont fait leurs débuts au cours du cycle raccourci qui a mené à Paris 2024. Certaines ont rapidement pris leurs responsabilités.

Apprendre à supporter une telle pression a été très difficile, mais cela leur a apporté une confiance inébranlable.

« On était toutes au travail ou à l'école, et il a fallu interrompre nos activités pour nous consacrer entièrement aux JO », explique Logan. « On a fait beaucoup de sacrifices, on était là tous les jours de 8 h à 17 h. Mais à 17 h, il y avait toujours quelqu’un pour proposer une soirée cinéma. »

« On essayait toujours de trouver un moyen de passer du temps ensemble et c’est ce qu’on voulait vraiment. Il y avait tellement d’amour, de reconnaissance, on savait l’investissement que chacune mettait dans l’équipe, on se faisait confiance. C’était très fort. »

Au Stade de France, Piper Logan a franchi quatre fois la ligne d’en-but. Une performance réussie par cinq joueuses, et dépassée par huit autres. Mais les essais de la N.11 canadienne ont tous pesé lourd dans la balance.

Le premier a tout d’abord repoussé la menace chinoise lors de la phase de poule. Ensuite, le tournoi a abordé la phase à élimination directe et Logan est entrée dans le vif du sujet. Lors du quart de finale contre des Bleues poussées par leur public, elle a traversé tout le terrain de manière foudroyante. La France a répliqué mais Logan, par une soirée de juillet étouffante, a récidivé pour maintenir le Canada dans le match avant que Chloe Daniels n’envoie le Canada dans le dernier carré à la dernière minute.

En demi-finale, l’Australie a rapidement mené 12-0 mais la ténacité et la soif de vaincre ont permis aux Nord-Américaines de ne pas se faire distancer. Puis Logan, en sortie de mêlée, s’est lancée dans un slalom dont elle a le secret, éliminant trois adversaires et aplatissant malgré le retour de Maddison Levi pour ouvrir les portes de la finale au Canada.

Elle admet timidement qu'elle a un don pour se montrer décisive. Pour comprendre pourquoi, il faut revenir au gymnase. « Je viens d'un sport individuel : vous êtes seul sur le terrain », explique Logan. « Personne ne peut agir pour vous, alors vous le faites vous-même. Ajoutez à cela la confiance que mes coéquipières me donnent, et vous obtenez une détermination totale. »

Le Canada, finaliste olympique. Une médaille assurée. Le paradis. 

En fin de compte, l’or est revenu aux Néo-Zélandaises. Mais même avec les jambes en feu et les réservoirs à sec, les Canadiennes ont kiffé chaque seconde.

« Paris, c’est inoubliable », savoure encore Logan. « C’est exactement ce que nous voulions. Nous en sommes très, très fières ».

Retour à Dubaï. Un nouvel entraîneur, Jocelyn Barrieau, une nouvelle capitaine, Piper Logan elle-même, un nouveau style de jeu, moins structuré, et une équipe toute fraîche, avec très peu d'expérience et sept débutantes. Cela s'est vu.

Les défaites face au Japon et à la Nouvelle-Zélande ont été douloureuses. Qualifié in extremis pour les quarts de finale, le Canada a subi la vengeance de l’Australie, vainqueure 39-0. Puis les Blossoms ont récidivé en match de classement, repoussant les Canadiennes à la 8e place, leur plus mauvais classement depuis 2023.

Pas de quoi, toutefois, inquiéter la capitaine outre mesure. « Les résultats sont décevants, mais on savait qu’il y aurait beaucoup à apprendre.

« Notre priorité était que tout le monde prenne du plaisir. J'avais adoré mes propres débuts et je voulais qu'il en soit de même pour les filles à Dubaï, alors on a fait en sorte que la pression ne soit pas trop forte. »

Elles savaient également qu'elles auraient l’occasion de faire mieux immédiatement. Quelques jours plus tard, elles étaient déjà plus soudées et plus compétitives, ce qui leur a permis de terminer cinquièmes au Cap. « Cela a prouvé quelque chose de vraiment enthousiasmant, que l’on avait toutes en tête : ce groupe est incroyablement facile à entraîner ».

Six semaines plus tard, elles progressaient encore : demi-finalistes à Perth après une phase de poule terminée invaincues et trois matchs accrochés en playoffs. Logan elle-même s'est parfois montrée injouable, transformant un minuscule espace en grand boulevard.

« La façon dont on a mis en œuvre ces changements à chaque fois a été étonnante. Non seulement ces filles sont d'excellentes athlètes, mais elles sont merveilleusement ouvertes aux critiques et apprennent très vite. Cette saison s'annonce très prometteuse pour nous. Je le sens ».

La prochaine étape ? Le tournoi à domicile. Logan s'illumine à l’évocation de ces jeunes fans qui verront peut-être leurs médaillées olympiques en action et rêveront un jour de concourir à leur tour sur cette scène. « C’est très important qu'ils sentent que ces portes leur sont ouvertes. »

Son déguisement préféré pour Vancouver ? « Les yétis, bien sûr. Ils sont emblématiques. »

Le tournoi permet aussi de collecter des fonds pour l'association tout simplement appelée « Mission : gagner la Coupe du Monde », qui espère fournir à l’équipe féminine de rugby à XV un million de dollars canadiens avant l'événement phare de 2025.

Et pour cause. Alors que les Red Roses d'Angleterre sont favorites pour le titre, beaucoup pensent que les compatriotes de Logan pourraient jouer les trouble-fêtes. D'où la question : Piper Logan pourrait-elle suivre des joueuses comme Krissy Scurfield chez les quinzistes, en vue du Mondial en Angleterre cet automne ?

« J'y ai pensé ! J'essaierai peut-être de participer à un ou deux stages, mais c'est une équipe très compétitive, donc je serais honorée d'avoir l'occasion d'y mettre les pieds. Ce n'est pas exclu ! Nous verrons bien... »

Mais d'abord : Le SVNS de Vancouver et, plus immédiatement encore, le déjeuner. Toute la bravoure et l'habileté du monde en matière de voltige sont inutiles l'estomac vide.